INFOS Chasse (2/2)
Fédération des chasseurs des Bouches-du-Rhône : Jo Condé les 400 coups (2/2)
Rappel du premier épisode : représentant 26 000 chasseurs, la fédération des Bouches-du-Rhône aligne des budgets conséquents de plus de 2 millions d’euros,
avec de généreuses subventions publiques. Sa gestion ses dernières années fait l’objet d’enquête, et a mené à la condamnation en 2009 du président Jo Condé pour corruption.
Suite à cette condamnation, confirmée en appel le 17 mars 2010, le préfet des Bouches-du-
Rhône aurait pu lui retirer son permis de chasse, comme le prévoit le code de l’environnement pour «ceux qui ont été condamnés pour vol, escroquerie, ou abus de confiance.» Mais Jo Condé bénéficie de quelques soutiens, notamment politiques. «Je suis intervenu – je ne suis pas le seul – à mon modeste niveau pour qu’il n’y ait pas ce que j’appellerai une “double peine”», reconnait Bernard Baudin, conseiller général UMP des Alpes-Maritimes et à l’époque président de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (Oncfs).
D’après Charles Pecoraro, un des chasseurs dissidents très critiques sur la gestion de la fédération, les députés UMP des Bouches-du-Rhône Richard Mallié et Bernard Reynès se seraient également fendus d’une petite lettre au préfet. «C’est incroyable qu’un type
condamné pour des délits liés à la gestion de sa fédération soit couvert par la préfecture et
des politiques locaux», s’ébahit Paul-Henry Hansen-Catta, rédacteur en chef de Plaisirs de la chasse.
Chasse aux voix Échanges de bons procédés ? Selon Roland Chassain, lui même chasseur et ancien vice-président du groupe d’études sur la chasse à l’Assemblée nationale, Jo Condé a soutenu Bernard Reynès lors de la campagne des législatives 2007. A gauche cette fois, le député socialiste Michel Vauzelle, élu en 2007 dans une circonscription camarguaise marquée par une forte présence des chasseurs, aurait également, selon son concurrent malchanceux Roland Chassain, bénéficié de l’entregent de “Jo”.
Il accuse le président du conseil régional d’avoir utilisé les listings de la fédération pour envoyer aux chasseurs de la circonscription convoitée une lettre leur rappelant, fort à propos à l’avant-veille du second tour de scrutin, la générosité de sa collectivité. Pour bien enfoncer le clou, le magazine Chasser en Provence vante dans son numéro du printemps 2007 (juste avant le scrutin), une subvention régionale de 30.000 euros pour un projet… en Camargue qui, comme de juste, «permettra de répondre aux attentes des agriculteurs, des riziculteurs ainsi que de la fédération». Des accusations balayées par la région, qui rappelle le rejet de la requête de Roland Chassain par le conseil constitutionnel.
Aux assemblées générales de chasseurs, on voit également se presser aux côtés de Jo Condé d’autres sommités socialistes du département : Jean-Noël Guérini, le président du conseil général, qui lui donne du «mon ami Jo», Serge Andréoni, le sénateur-maire de Berre-l’Etang, et Christophe Masse, conseiller général héritier d’une dynastie d’élus marseillais.
Faire parler la poudre
Le président du conseil général est même selon Le Monde, un vrai amateur de chasse. «C’est dans la jolie cabane du Garde, à Saint-Etienne-du-Grès, dans les Alpilles, que le patron du conseil général conviait avant 2007 Bernard Squarcini, préfet de police aujourd’hui patron du contre-espionnage français, et Christian Frémont, préfet de Région devenu directeur du cabinet de Nicolas Sarkozy, écrit Ariane Chemin. Ils dégustaient, en grand mystère, pâté de tête maison et… grives fraîchement abattues d’un coup de fusil.»
A la tête de 26.000 adhérents, Jo Condé disposait d’un levier de poids, qu’il a actionné jusqu’au chantage. «Si la fédération des chasseurs était montée en flèche contre le parc des Calanques, il n’y avait plus de parc», décrypte Paul-Henry Hansen-Catta. Pour se faire, entendre des autorités, Jo Condé n’a pas hésiter à menacer Jean-Claude Gaudin, le maire UMP de Marseille, d’un défilé de chasseurs «en colère» sur le Vieux-port, ou à agiter, sous le nez du préfet, la possibilité «de compromettre définitivement notre maîtrise sur la paix sociale».
Vrai-faux retrait
Le 26 janvier 2011, la cour de cassation a rejeté le recours de Joseph Condé contre sa condamnation pour vol, recel et corruption. Celui qui distribuait des cartons rouges au préfet et au ministre de l’environnement, a finalement dû démissionner de son poste de président…pour s’y faire remplacer par son trésorier Jean-Marie Rimez. Un petit jeu de chaises musicales, dont personne ne semble dupe. Un politique qui connaît bien ce petit monde nous décrit son remplaçant comme «très effacé. Il le suivait comme un toutou. Celui qui reste président de fait c’est Condé. Avec je pense l’idée de récupérer son poste quand il pourra légalement le faire».
A l’audience de septembre 2011, l’ancien manutentionnaire chez Tropico déclarait simplement être en train de monter un restaurant à Aurons avec sa femme. Une mise au vert ? Cette dernière a tenté l’aventure politique en tant que suppléante d’un candidat à l’investiture socialiste aux législatives dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône. Une circonscription qui a finalement été attribuée à Europe Écologie-Les Verts…
Jo Condé, lui, figure toujours dans les deux derniers numéros de Chasser en Provence où il présente tour à tour des lunettes de protection, puis le porte-permis de la fédération, logo du CG13 bien en vue. Et, dans un courrier de juillet 2011 au président de la Fédération Nationale des Chasseurs, s’adresser à lui comme s’il était encore aux manettes. «Il vient à des réunions au titre de conseiller du président de la fédération des Bouches-du-Rhône», confirme Bernard Baudin, le président de la fédération nationale des chasseurs. Un dossier symptomatique du 13 pour plusieurs protagonistes, qui dressent un parallèle avec la situation au conseil général…
Une enquête en partenariat Marsactu (Julien Vinzent) / Mediapart (Louise Fessard)